Frapper son enfant, la plus cruelle des transmissions

Frapper un enfant pour qu’il obéisse semble encore un geste ordinaire à certains. Pourtant la loi l’interdit ! Pas convaincu ? Voici une scène toute simple pour bien comprendre.

Imaginez-vous un instant dans cette situation

Vous êtes dans votre bureau, ou bien dans votre atelier, devant votre machine. Toujours est-il que vous avez en tête, avec un peu de culpabilité, cette fichue tâche que vous n’avez toujours pas faite. Ce n’est pas un drame en soi, mais cela reste à faire…

C’est vrai, vous êtes un peu débordé en ce moment. Il y a vos soucis personnels, l’obligation de finir ce boulot… que vous avez eu tendance à négliger un peu. Tout à coup votre chef de service, ou votre chef d’atelier, rentre dans votre espace de travail et vous hurle dessus :

– « C’est quoi ce truc ? Pourquoi t’as pas fini ? Je te l’ai pas dit 100 fois de finir ce machin là ?!
Tu te fous de moi, hein, c’est ça ? Tu me nargues ? »…

Et sans vous laisser le temps de lui répondre, il fonce sur vous et vous flanque une claque magistrale. Pas du tout inquiet de votre air terrorisé ou que vous puissiez souffrir, il vous en retourne une autre encore plus forte. « Ca t’apprendra à te moquer de moi ! ». Et il sort, vous laissant là sous le regard de quelques témoins. Blessure, honte et haine mêlées. Ne cherchez pas de l’aide. Ce type a une autorité absolue sur vous.

Réveillez-vous, ce n’est qu’un cauchemar… Invraisemblable, n’est-ce pas ?

Nous sommes tous consternés en sachant que tous les 3 jours, une femme meurt en France sous les coups de son conjoint. C’est la réalité, même si nous savons tous également que frapper une femme est interdit et sacrilège (frapper un homme aussi, du reste). Et pourtant, il semble admis et implicite pour certains qu’une bonne raclée de son propre petit enfant, voire son bébé, « ça peut pas faire de mal ». Le fait même qu’on en discute – en pour ou en contre – me semble effarant.

Frapper son enfant, c’est aussi lui transmettre de faire mal à son tour

Celui qui est frappé enfant, frappe à son tour ses enfants… ou ses élèves. Il a intégré, « incorporer » un ordre qu’il perpétue comme une fidélité infernale. L’enfant qui, dans la cour de l’école, ne sait que frapper les autres, est un enfant souvent sous sévices lui-même. Cycle accablant des transmissions de la violence.

Pourquoi frappe-t-on son enfant ? Parce qu’on a été frappé soi-même ?

Ceux qui battent ont leur part de gifles anciennes à régurgiter sur quelqu’un. Nous devons ensemble remarquer que chez les gens pris de violence, il s’est installé tôt un trop plein de peur de l’échec, du ratage de la porte « Réussite ». C’est souvent dû à leur propre parcours et aux pressions qu’ils ont subies. Aux pressions qu’ils subissent encore. Mais surtout, ce sont des parents qui ne savent pas communiquer (avec des mots) avec leur enfants. Qui ne parviennent pas à placer leur autorité.

Vraiment, chacun peut changer avec un peu d’aide extérieure

Il existe de très nombreux chemins pour changer tout cela. Il ne faut jamais penser que c’est un état de fait pour toujours. En tant qu’adulte (parent, enseignant, éducateur…) il est possible de se faire aider et d’apaiser tout cela. Thérapie brève, écoute de parents, associations de parents…) , il est possible de faire baisser ces angoisses en soi, donc de ne pas investir son enfant de ses propres terreurs. Et du coup, ne pas transmettre cette violence.

Un enfant, ça change avec tant de souplesse, contrairement à nous !

La violence ne peut que le tétaniser, en faire un adulte sans estime de soi. « L’enfant tétanisé dans son corps est sidéré dans sa pensée », dit la psychologue Suzanne Robert-Ouvray. La coopération, elle, épanouit. Et cela s’apprend.

La loi et le code civil disent l’interdit !!!

Le vote définitif de l’article 68 du projet de loi « Égalité et Citoyenneté » par l’Assemblée nationale a eu lieu le 22 décembre 2016. L’article 371-1 du Code civil stipule que l’exercice de l’autorité parentale exclut «  tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles ». C’est un droit au respect pour les plus jeunes, au même titre que les adultes n’entendent pas se faire frapper … d’où ma mise en situation au début de cet article.

Les enfants disposent du même droit au respect de leur intégrité physique et psychologique que les adultes.

Quelques ressources pour y réfléchir :

Le site de l’OVEO (Observatoire de la violence éducative ordinaire)
+ Etre écouté ou se former dans une école des parents et des éducateurs
+ Etat des lieux européen sur le site du Conseil de l’Europe, avec l’excellente rubrique « Levez la main contre la fessée ! » incluse dans la non moins passionnante « Construire l’Europe avec et pour les enfants ».

 + A lire, l’indispensable « C’est pour ton bien » de Alice Miller.

Alice Miller
Alice Miller, psychanalyste et auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

D'autres articles